Peut-on encore parler de la «mondialisation»? Peut-on continuer de parler de la «mondialisation» comme s'il s'agissait d'un (seul et même) objet «bien connu», à propos duquel il suffirait de voter, soit pour en saluer les bienfaits, soit pour en dénoncer les maux? Peut-on parler de la «mondialisation» comme si elle était un «fait» qui s'imposait à chacun? Peut-on participer à la diffusion de cette croyance en un processus économique et politique aussi singulier qu'irréversible, et qui dicterait sa loi à tous les secteurs de l'activité humaine?
Au moment où le président tchèque Vaclav Havel a souhaité, en marge des réunions de la Banque mondiale et du FMI à Prague, confronter «partisans et adversaires de la mondialisation» en offrant «un espace pour un débat cultivé au cours duquel devraient retentir les arguments des deux parties», la réponse à ces questions dépend étroitement de celle que l'on donne à une autre, plutôt inactuelle, à savoir: est-il légitime de s'interroger sur la nature exacte de ce phénomène? Et sur la pertinence du concept censé en rendre compte? Question nullement cosmétique ou «abstraite», mais, au contraire, aussi essentielle que concrète, et qui doit être portée au coeur du débat actuel.